Les vigneronnes de Saint Emilion

Valérie, 53 ans, première femme propriétaire du château Guillemot depuis six générations. Alice 28 ans du vignoble Bardet, seule fille d’une fratrie de quatre enfants, issue d’une famille de gabarier et de viticulteur depuis 1704. A vingt cinq ans d’intervalle, leur parcours témoignent d’une ouverture du milieu viticole aux femmes.

 

Dans le Bordelais, les historiens se souviennent qu’un des plus célèbre château, le château d’Yquem, doit sa renommée à une femme.

En 1788, lorsque son mari décède Françoise-Joséphine de Sauvage, reprend les rênes de la prestigieuse propriété.
A force de travail, elle léguera en 1851 à son petit fils, un entreprise florissante, connue bien avant son classement en 1855.

Pendant longtemps ce fut en Bordelais l’arbre qui cacha la forêt. Etre femme et se lancer dans la viticulture, même (surtout ?) au XXe siècle, s’était combattre les préjugés.

Valérie  : « Dans les années 50 les femmes n’avaient pas le droit d’entrer dans le chai. Forcément on pensait qu’elles allaient transformer le vin en vinaigre. Dans les années 2000 quand j’achetais du matériel, certain me prenait pour une idiote et voulait me vendre du matériel qui ne correspondait pas à ce dont j’avais besoin. Il fallait que je prouve que je m’y connaissais ».

Aujourd’hui les choses ont quand même (un peu) changées.

Alice « On ne me fait pas ressentir le fait d’être une femme. On se complète et j’apporte ma vision »

 

Un changement de société qui se traduit dans les vignes. Aujourd’hui n’est plus forcément vigneronne la fille de vigneron.
Alice a d’abord été institutrice. Bien qu’en phase avec son métier, elle décide de se lancer pleinement dans l’aventure viticole en 2019 et complétera sa formation jusqu’en 2022 en obtenant le Diplôme Universitaire d’Aptitude à la Dégustation (Duad).

Alice : « La vinification 2019 m’a beaucoup plu et j’ai eu envie de poursuivre. Je m’occupe notamment de l’oeunotourisme. J’aime vulgariser, ca rejoint mon métier de base qui était la transmission. Et puis j’ai beaucoup d’idée».

Valérie : « Ma fille de 21 ans fait des études agricoles mais je ne veux pas l’obliger à venir travailler. Au contraire il faut qu’elle parte voir le monde avant ».

Valérie et Alice, à leur façon chacune, ont également apporté un nouvel élan à leur propriété.

Valérie : « Quand j’ai repris le château au décès de mon père en 2001, j’ai essayé de booster la propriété. D’abord il a fallu revoir tout le matériel, les cuves, le tracteur. Et puis on était isolé on ne voyait jamais de clients »
Depuis Valérie a mis en place des visites de sa propriété. Elle reçoit des clients de tout pays et vend désormais une partie de sa production aux visiteurs.

Alice « Mes frères ont créé un partenariat avec la série Peaky Blinders ou l’on a reproduit leurs vins. Récemment nous avons fait trois vins issus des livres de Tolkien le Seigneur des anneaux. On a beaucoup de projets atypiques comme cela. On souhaite également exploiter notre bord de Dordogne pour nos visiteurs ».

 

Les deux femmes ont aussi la même vision d’une agriculture respectueuse de la nature.

Alice et sa famille ne labourent pas les sols faisant de « l’agro-écologie, l’agriculture du futur ». Quand à Valérie, qui a un parc composé de chênes, elle en a bien compris son utilité puisqu’attirant tous le insectes, ils préservent ses vignes.

 

Pour réaliser de nombreuses visites dans les châteaux bordelais, force est de constater que les femmes y sont de plus en plus présentes. Principalement dans l’oeunotourisme c’est vrai, mais néanmoins, que de changement !

 

Hubert Saint Béat
Les Visites d’Hubert

 

Existe-t-il un vin féminin ?
C’est un poncif que l’on entend encore souvent. Pour parler d’un fin élégant et délicat on parle d’un vin féminin.
Valérie: « Je n’aime pas ce terme. Qu’est ce que cette idée que les femmes préfèrent des vins souples. Les femmes ne veulent pas de grenadine ! »
Alice : « C’est cliché et c’est un terme qui me dérange. Je suis un femme et j aime les vins corsés. Il n’y a pas un vin féminin et un vin masculin. »