Faut-il mourir pour Dantzig ?

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Vous avez peut-être déjà entendu cette phrase ?
Elle provient d’un éditorial de Marcel Déat, future grande figure de la collaboration française, le 4 mai 1939.
C’est à Gdansk, Dantzig en allemand, que furent tirés les premiers coups de feu de la seconde guerre mondiale. Mais l’invasion de la Pologne par l’Allemagne n’a pas été aussi facile qu’on le raconte souvent. Découverte…

 

Gdansk n’est pas en Pologne !

Depuis 1919 et le traité de Versailles, Gdansk est une « ville libre ».
Elle n’appartient à aucun pays.
Elle est autonome concernant ses affaires intérieures et sous la protection de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) pour ses relations internationales.

La concept de « ville libre » vient de Napoléon qui lui avait déjà donné ce statut en 1807. Elle l’avait également au Moyen Age.

L’idée était d’empêcher l’Allemagne et la Pologne de se battre pour le contrôle de ce grand port sur la mer Baltique. C’est pourtant ce qui va se passer.

 

Le cas particulier : la Péninsule de Westerplatte

Dans ce micmac diplomatique, il y a plus compliqué encore. Une tout petite partie du port de Gdansk appartient à la Pologne. Il s’agit de la péninsule de Westerplatte.

Le droit international permet à la Pologne d’y stationner 88 soldats mais sans fortification.

Les Polonais sentant la guerre approcher y construisent 5 casemates et augmentent leur effectif à environ 150 hommes.

La plage de la péninsule

 

Casemate polonaise sur Westerplatte

 

 

Hitler veut le couloir de Dantzig

En 1939, un vent mauvais se lève sur la ville.
Composée à 90% d’Allemands, les 10% de Polonais y sont brimés au même titre que les juifs.
En mai, la Grande Synagogue est détruite par les autorités.
En juillet, la situation devient intenable pour la minorité polonaise. Les officiers polonais doivent se vêtir en civil pour ne pas être insultés voir agressés. Les familles des fonctionnaires doivent même être évacuées.

Pour Hitler c’est une occasion en or de poursuivre sa politique expansionniste à l’Est.
Se basant sur le droit des peuples à disposer d’eux même mis en avant au traité de Versailles, le Chancelier allemand demande alors le rattachement de Dantzig au Reich. Il souhaite aussi la construction d’une autoroute et d’un chemin de fer reliant l’Allemagne à la Prusse orientale en passant par Dantzig.

 

Refus de la Pologne

L’opinion Internationale est partagée comme en témoigne l’article de Marcel Déat.

La Pologne refuse catégoriquement. Elle dirait adieu à la péninsule de Westerplatte et perdrait à coup sûr tout accès à la mer Baltique.

Le ministre des affaires étrangères polonais Jozef Beck annonce : « Nous en Pologne ne sommes pas familier avec le concept de la paix à tout prix. Il n’y a qu’une chose dans la vie des peuples, des nations et des états qui n’a pas de prix. Et cette chose c’est l’honneur »

C’est le premier pays à s’opposer clairement au Reich. Quelques mois plus tôt, les Autrichiens et les Tchécoslovaques avait cédé sans combattre, sous pression internationale il est vrai.

Mais ce refus, les Allemands, l’ont prévu.

 

L’attaque

Quelques jours plus tôt, les Nazis ont envoyé un vieux cuirassé, le SMS Schleswig-Holstein, mouillé à Gdansk au prétexte d’une visite diplomatique. C’est un véritable cheval de Troie. Sous le pont se cache 225 soldats.

 

 

 

Le 1er septembre, les premiers coups de canons retentissent sur la garnison polonaise de Westerplatte. La seconde guerre mondiale vient de commencer.

Les Allemands attaquent par la mer, par les airs avec 60 bombardiers en piqué, et par la terre avec plusieurs vagues d’assaut de l’infanterie.

Au total ce sont 1500 Allemands contre 150 Polonais. Pourtant l’armée allemande va mettre une semaine à conquérir cette petite base.

 

La fierté des Polonais

Le 7 septembre, alors que l’armée allemande commence le siège de Varsovie, la garnison de Westerplatte se rend après un combat acharné. Face à une telle bravoure l’officier polonais, le major Sucharski, a la permission rarissime de conserver son sabre en captivité.

L’attaque se solde par 15 morts et 26 blessés côté polonais, plus de 200 morts côtés allemand.

Hitler se rendra en personne sur la péninsule, preuve de l’importance de la prise.

En mars 1945, les combats reprendront à Gdansk. Cette fois ce seront les Soviétiques qui en chasseront les Allemands et une autre occupation commencera.

En 1987, le pape Jean Paul II viendra honorer la mémoire des soldats de Westerplatte.

 

1966 : le régime soviétique construit ce monument de 25m de haut en mémoire de la bataille

 

 

Cimetière des soldats polonais

 

 

 

Les héros de la poste polonaise

Au sein de la ville libre de Gdansk, la Pologne avait obtenu le droit d’établir son propre réseau de communication. Le bureau de poste centrale de la ville en faisait partie. Véritable nid d’espion, il permettait une liaison téléphonique direct avec Varsovie, devenant ainsi un objectif militaire pour les Allemands.

L’état-major polonais en était bien conscient. Tous les fonctionnaires avaient reçu une formation militaire. Équipés de mitraillettes légères et de grenades, ils devaient résister 6h avant l’arrivée de l’armée.

Ils résisteront 15h mais l’armée de secours ne viendra jamais.

Le 1er septembre à 4h45 du matin, l’armée allemande ainsi que le police de Gdansk prennent d’assault le bâtiment où se trouve les 55 fonctionnaires polonais.

Après des heures de combat, les postiers doivent se réfugier aux sous-sols. Les Allemands inondent alors les caves d’essence et y mettent le feu au lance-flammes. Cinq Polonais sont brulés vifs. Sans soutien de l’armée, les postiers décident finalement de se rendre.

En tout, huit Polonais sont tués pendant les combats, six décèdent plus tard à l’hôpital à la suite de leurs brûlures.

Les 38 autres sont interrogés et torturés. Les Allemands ne les considèrent pas comme soldats mais comme terroristes. Ils sont donc jugés et condamnés à mort par la justice.

Les postiers sont exécutés contre le mur de la poste où figurent aujourd’hui symboliquement leurs empruntes. Leurs squelettes seront retrouvés par hasard en 1992 au cours de la construction d’un parking.

En 1966 un mémorial est inauguré représentant un postier polonais à terre à qui Niké, la déesse grecque de la victoire, remet un fusil.

Mais il faut attendre la chute de l’URSS et 1995 pour que le jugement des postiers soit invalidé par les autorités allemandes et que commence leur réhabilitation.

Aujourd’hui cet acte de résistance occupe une grande place dans le récit national polonais.

 

 

Sur la même thématique découvrez mon article sur la Tanière du Loup, le QG de Hitler.

Hubert Saint Béat

Les Visites d’Hubert

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