Guerre en Ukraine : le précédent de la Guerre en Finlande
Non la guerre en Ukraine n’est pas le remake de l’invasion de la Pologne par Hitler en 1939 comme il est dit parfois. Elle a par contre de nombreux points communs avec une guerre totalement oubliée : la guerre d’Hiver (1939-1940). Quand la Russie envahit la Finlande, le monde entier s’unit derrière la petite armée scandinave. Pourquoi, comment, explication :
De quoi s’agit-il ?
Le 30 novembre 1939 la Russie attaque son voisin finlandais, la guerre va durer plus de trois mois jusqu’au 13 mars 1940. Elle prendra le nom de Guerre d’Hiver. Elle se solde par une victoire Russe avec le traité de Moscou.
Que représente la Finlande pour les Russes ?
La Finlande a été sous influence du Royaume de Suède jusqu’à sa prise par les Russes en 1809.
Elle reste pendant plus d’un siècle une province de l’Empire Russe. Lors de la révolution bolchevique de 1917, la Finlande en profite pour proclamer son indépendance le 6 décembre 1917. Une guerre civile éclate immédiatement, au final les communistes soutenus par Moscou sont vaincus par les conservateurs soutenus par Berlin.
A la vieille de la guerre les deux pays sont unis par un pacte de non agression.
Mais pour les Russes du milieu du XXe siècle, la Finlande est un territoire qui n’aurait jamais du quitter le giron de la Mère Patrie. Notons par exemple que l’Allemagne nazie n’a jamais eu de revendication sur ce pays.
Que veut la Russie ?
A la fin des années 30, le contexte international est explosif. Chaque pays se méfie de son voisin.
La Russie communiste s’oppose – par nature – à l’Allemagne fasciste.
Bien qu’ayant signés un pacte de non agression avec l’Allemagne en 1939, les Russes cherchent à parer toute éventualité.
Le point faible de la défense Russe c’est sa frontière avec la Finlande.
En effet, à 40 kilomètres seulement de la frontière se trouve la ville de Léningrad (St Petersbourg) peuplée de cinq millions d’habitants. Les Russes disent tout haut que la Finlande pourrait les attaquer mais tout bas ils pensent surtout à la puissante Allemagne qui pourrait envahir la Finlande dans le but d’attaquer Léningrad. Sans même avoir à traverser la frontière l’artillerie allemande pourrait pilonner Léningrad.
Pour empêcher cette éventualité, les Russes entament des négociations avec la Finlande.
Ils veulent repousser la frontière et acquérir certains territoires de manière à créer une zone tampon pour éviter le scénario d’une attaque allemande via la Finlande.
Des négociations ont lieu, mais en fin de compte la Finlande refuse de céder sur les prétentions russes. Face au refus finlandais, les Russes estiment n’avoir pas d’autres choix pour se protéger de l’Allemagne que de repousser la frontière par la force.
Le prétexte de la guerre
Les Russes vont mettre en scène une fausse attaque d’un de leur village à la frontière et prendre ce prétexte pour déclarer la guerre à la Finlande. Cette mise en scène est à destination de leur population car la communauté internationale n’est pas dupe de la supercherie. Notons ici qu’Hitler avait utilisé le même prétexte pour justifier l’invasion de la Pologne.
Quelle est la réaction de la communauté internationale ?
L’opinion mondiale est scandalisée par cette attaque russe face à un voisin si petit et si faible.
Le pape Pie XII condamne immédiatement l’attaque. Aux États-Unis, le Président Roosevelt demande aux industriels de ne plus exporter sur le marché russe en guise de protestation.
Une réunion d’urgence à lieu à la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) le 14 décembre. L’Assemblée vote l’exclusion de la Russie de la SDN: 31 pour, 9 abstentions dont la Chine.
C’est la première fois dans l’Histoire qu’une attaque est aussi unanimement condamnée. Cela n’a pas été le cas pour l’invasion de la Pologne et encore moins pour la guerre civile en Espagne.
Pour expliquer cette levée de bouclier il faut aussi souligner que l’anti-communisme est très présent tant chez les fascistes que chez les démocrates.
Comment se déroule la guerre ?
Les Russes pensent que cette guerre doit être réglée en dix jours.
Imaginez : 800 000 soldats, 3000 chars, près de 4000 avions, c’est plus que pour le débarquement en Normandie. En face : 200 000 Finlandais faiblement équipées.
Ils se regroupent derrière la ligne de défense Mannerheim, sorte de ligne Maginot mais très peu bétonnée. Le 8 décembre la Finlande décrète la mobilisation générale. Tous les hommes en age de se battre sont appelés sous les drapeaux.
Les villes Finlandaises sont bombardées par l’aviation russes. Des milliers de réfugiés tentent de fuir en Norvège et vers les Pays Bas.
Mais à la surprise générale, les Finlandais repoussent toutes les attaques. Alors que les véhicules russes sont souvent en panne à cause du froid, les Finlandais se déplacent à ski, les rendant quasiment insaisissables.
Que dit le Kremlin à ses soldats ?
Certes un soldat doit se battre, mais il se bat d’autant mieux s’il le fait pour une cause juste.
Les soldats russes ont pour mission de délivrer les Finlandais d’un gouvernement qualifié de « clique » qui opprime la classe ouvrière finlandaise depuis des années.
Même s’il n’avancent pas d’un pouce sur le terrain, les Russes établissent un gouvernement fantoche qui permet au Ministre des affaires étrangères soviétique de soutenir le 5 décembre que « L’URSS ne se trouve pas en état de guerre avec la Finlande et ne menace pas de guerre le peuple Finlandais ». Il s’agit de pacifier « des foyers de guerre créés par l’attitude du précédent gouvernement »
Que fait la communauté internationale pendant la guerre ?
Le Parlement finlandais appelle le monde à l’aide :
«Notre position comme avant poste de la civilisation occidentale nous autorise à attendre une aide active de toutes les nations civilisées »
Le monde entier envoie des armes à la Finlande. L’Angleterre fait parvenir des fusils anti-char, la France envoie des avions, l’Italie également.
Des volontaires arrivent de Suède, de Norvège, de Hongrie pour repousser les Russes.
Finalement après de longue tergiversations, les franco-britanniques décident d’envoyer un corps expéditionnaire : 100 000 Britanniques et 35 000 soldats français.
Comment se termine la guerre ?
Les soldats français n’auront pas le temps de débarquer, la Finlande n’a plus de munition, elle se rend et signe le traité de Moscou le 13 mars 1940.
La Russie obtient par la guerre les territoires qu’elle avait demandé par la négociation.
Pourquoi la Russie n’a pas eu peur d’entrer en guerre ?
En signant en août 1939 le pacte germano-soviétique de non agression, une des clauses secrète lui donne les mains libres pour faire ce qu’elle veut en Finlande et dans les pays Baltes sans que l’Allemagne n’y trouve à redire.
Quant aux démocraties occidentales, la Russie n’en a pas peur. Elles ont laissé faire l’Allemagne dans sa politique d’annexion donnant la conviction au Kremlin que ni les Français ni les Anglais n’iraient mourir pour Helsinki.
Le bilan de cette guerre ?
La Finlande déplore 22 000 morts et se voit amputée de certains de ses territoires.
Mais pour la Russie la victoire a un goût amer : on avance le chiffre de 130 000 morts. Une hypothèse car le chiffre officiel sera longtemps de 350 soldats russes morts au combat. Le Kremlin cachera longtemps à sa population le véritable coût de cette guerre.
Aujourd’hui encore les corps des centaines de milliers de Russes sont toujours dans des fosses communes sur les lieux des combats.
Les conséquences de cette guerre ?
Cette guerre mettra en lumière une Russie colosse aux pieds d’argile, ce qui convaincra Hitler de la faiblesse de l’armée Rouge et la possibilité d’envahir l’URSS.
Lorsque l’Allemagne envahira la Russie en 1941, la Finlande en profitera pour récupérer ses territoires dans la « guerre de continuation » ; avant de les perdre à nouveau lorsque les Russes vaincront l’armée allemande en 1945.
Au lendemain de la fin de la guerre d’Hiver, dans son édito, le journal La Croix écrit :
« Une douleur nous étreint tous Européens, Américains, y compris bien des Allemands et sans doute aussi des Russes malgré la conduite odieuse de leur gouvernement. Le deuil de la Finlande est notre, mais la honte n’appartient qu’à nous(…)la honte d’être hommes, et de songer que les secours n’ont pu parvenir de chez nous et de chez nos alliés, parce que la peur a étreint si fort les voisins du crime qu’elles les a rendu aveugles et sourd non pas seulement à leur devoir mais a leur intérêt immédiat même »
Conclusion
Les causes et les buts de la guerre d’Ukraine seront débattus dans les années à venir. Les responsabilités ne seront établies par les historiens du futur qu’une fois les archives du Kremlin de l’année 2022 déclassifiées.
Il m’a néanmoins semblé intéressant de mettre en lumière certaines similitudes avec la guerre d’Hiver : Crainte de l’Occident, volonté de zone tampon à l’ouest, rêve des frontières de l’Empire des Tsars, mais aussi forces disproportionnées, résistance du pays envahi, unanimité de la communauté internationale mais refus d’intervention directe…
Si comparaison n’est pas raison, et si l’histoire n’a pas vocation à bégayer, les mécanismes qui conduisent les relations internationales des États souverains restent les mêmes et ce quelque soit les régimes politiques.
Hubert
Guide conférencier
Les Visites d’Hubert
Bordeaux et sa région