Le Duc d’Épernon : l’irrésistible ascension d’un Gascon

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Cette histoire est celle d’un homme qui, partie de rien (ou presque), se hissa au sommet de la Monarchie française. Il connut six rois de France, chuchota à l’oreille d’Henri IV et eut Richelieu comme ennemi intime.
On l’a décrit ambitieux, cupide, arriviste. Nimbé d’une légende noire, il nous a laissé à Cadillac un château à sa démesure… Découverte.

 

Jean-Louis de Nogaret de la Valette, fait partie de cette petite noblesse provinciale dont l’Histoire de France n’aurait pas dû retenir le nom. Cadet de sa famille, donc destiné à ne pas recevoir d’héritage, c’est à la seule force de son caractère et de son ambition dévorante qu’il est devenu celui que ses contemporains ont surnommé le « presque roi ».

 

Jean-Louis de Nogaret de la Valette (1554-1642)

 

Cadet de Gascogne
Natif du Gers, il s’initie au maniement des armes au prestigieux collège de Navarre à Paris.
La France est alors déchirée par les guerres de religion que la Saint Barthélémy vient de relancer. Une occasion en or pour notre ambitieux gersois de montrer aux grandes familles nobiliaires française ce qu’il vaut. Il s’illustre au premier siège de La Rochelle en 1573, cette capitale française du protestantisme. Jean Louis de Nogaret se fait remarquer par le Duc d’Anjou, le frère du roi Charles IX. Une solide amitié se lie entre les deux hommes. Bonne pioche puisque ce dernier devient roi sous le nom d’Henri III à la mort de son frère.

Mignon du roi
Une fulgurante ascension commence pour le petit noble gersois. Il devient un « mignon » d’Henri III, c’est-à-dire un favori. Jean Louis de Nogaret accumule charges et honneurs. Entre autres : Pair de France, chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit, amiral de France. De colossaux revenus rentrent dans ses caisses. Il ne lui manque plus que le prestige des vieilles familles françaises. C’est chose faite en 1581 ou le roi le fait duc d’Épernon.

Quelques années plus tard, il épouse même Marguerite de Foix-Candale, une femme de rang social plus élevée, descendante de la prestigieuse famille de Montmorency.

En moins de 10 ans il est devenu l’homme le plus en vue du royaume.

Un homme à abattre
L’assassinat d’Henri III par un fanatique religieux aurait pu mettre un terme à son pouvoir. Ce serait mal connaître le Duc d’Épernon. Il fait bon gré mal gré avec le nouveau roi Henri IV. Profitant de la paix provisoire grâce à l’Edit de Nantes (1598), Jean Louis de Nogaret commence un château à sa démesure. Le chantier prend place dans la bastide de Cadillac et il va durer 35 ans.

Évidemment un tel succès lui vaut jalousie et ennemi. Lorsque Henri IV est assassiné par Ravaillac en 1610, le Duc se trouve à ses côtés.

Sans même attendre l’aval du Parlement de Paris, le Gersois installe de son propre chef la Régence de Marie de Médicis. De là vient la légende noire du Duc d’Epernon. Ces contemporains ainsi que certains historiens comme Michelet ont vu en lui un fomenteur de complot.

 

Assassinat d’Henri IV rue de la ferronnerie à Paris

La disgrâce d’une légende
Face au nouveau roi Louis XIII et son puissant ministre Richelieu, les choses se compliquent.

Pourtant, toujours fidèle à la Monarchie française, le Duc d’Épernon reprend les armes à 75 ans, pour assiéger la Rochelle comme du temps de sa fringante jeunesse.
Il fournit même au Roi ses tout premiers Mousquetaires.

 

Richelieu assiège La Rochelle

 

Mais le Duc d’Epernon, héritier d’un vieux système féodal, n’a plus sa place dans un pays qui devient de plus en plus centralisé par la Monarchie.
Irascible, il manque de sa clairvoyance lorsqu’à Bordeaux, il se querelle avec l’archevêque Henri de Sourdis et le frappe en public. Le roi le relève de son commandement de Guyenne et l’oblige à faire amende honorable en s’agenouillant devant le Cardinal.

Profitant de la disgrâce de son fils, Bernard Nogaret de la Valette, Louis XIII influencé par Richelieu banni le Duc d’Epernon dans son château de Loches près de Tours.

Jean Louis de Nogaret s’y éteint à 87 ans, le vendredi 13 janvier 1642.
« Adversis clarius ardet » était sa devise , c’est dans l adversité qu’il brille le plus.

Dans l’antre de Cadillac

Lorsqu’il reçoit par mariage la Bastide de Cadillac fondée en 1280, le Duc d’Epernon choisi ce lieu pour y forger le symbole de sa puissance. L’architecture du château de Cadillac ouvre la voie au style classique français qui allait s’exporter dans toute l’Europe au Grand siècle. En puisant ses sources dans l’antiquité et la renaissance italienne cette architecture a pour but de marquer les esprits et la postérité.

 

Château de Cadillac

On y recherche la symétrie : Un pavillon central avec un escalier d’honneur dessert tous les étages du sous-sol jusqu’au combles. Deux ailes monumentales, quatre pavillons à chaque angle. Le tout clôturé par un mur percé d’une porte monumentale.

Dans les extérieurs du château se trouvait un jardin avec une fontaine, la basse-cour, les écuries, une salle de jeu de paume, une orangerie, un grand manège couvert ainsi qu’un parc.

Grandeur…

Au rez-de-chaussée se trouvent les appartements ducaux et au premier étage les appartements royaux. Le tout distribué en salle, chambre, anti-chambre et cabinet.

 

Appartements royaux

Les domestiques du Duc surnommaient son cabinet de travail la moutarde, en référence au caractère colérique du propriétaire.

La décoration attire l’œil par ses 40 tapisseries historiques dont notamment celles à la gloire de Henri III. On s’attarde surtout sur les monumentales cheminées de marbres et de stucs et leur riche décor polychrome.

Les cheminées constituent l’ornement principal du château

Une cheminée à la Française

…et décadence

A la mort de Jean Louis de Nogaret, c’est son fils Bernard qui devient le second Duc d’Epernon. A 70 ans ce dernier s’éteint sans descendant. La lignée des Duc d’Epernon prend fin.
La famille des foix-candale qui récupère le château commence son démembrement. Les pavillons d’angle et les ailes sont abattus. Les pierres servent à construite à Bordeaux. La Révolution poursuit le démentellement en récupérant le plomb et les toitures.

 

De la première prison pour femmes…

Finalement en 1818, l’Etat rachète le château pour y installer … la première prison centrale pour femmes. De l’assassinat au vol 200 femmes doivent y être incarcérées mais très vite les effectifs montent jusqu’à 478 détenues.

Les conditions de vie y sont particulièrement dures. Le silence est total, les cheminées monumentales servent d’urinoir, le lieu n’est pas chauffé. C’est la prison pour femme avec le plus haut taux de mortalité de France (8,5%).

On y « rééduque » par des ateliers de travail allant jusqu’à 12h par jour et par la religion. Ce sont les sœurs de la congrégations des Filles de la Sagesse qui assurent la surveillance.

 

Vue de la prison centrale pour femmes

Les détenues « font » littéralement leur lit

 

… à la détention de mineures

La prison ferme en 1890 pour faire place à une « école de préservation des jeunes filles », sorte de maison de correction pour mineures. On compte 300 mineures à la fin du 19e siècle.

Cette nouvelle étape est marquée par la mise en place de box individuel dans les combles appelés « les cages à poules ».

Les cages à poules toujours visibles dans les combles

 

Les mineures dés 9 ans dormaient là

 

 

Il faut attendre 1950 et deux suicides de jeunes filles pour que cet établissement d’un autre âge ferme définitivement.

Dés années 1980 à 2000 de grands travaux sont opérés et permettent aujourd’hui de visiter le château et de connaitre cette histoire.

 

Hubert Saint Beat
Les Visites d’Hubert

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