Mort de la rue, une première ambiguë

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Place Saint Christoly (centre commercial)

Toute l’ambivalence d’un discours politique peut se mesurer à l’aune de cette plaque.

Pour la première fois en France, une ville rend hommage au « Mort de la rue », comprenez aux Sans Abris et Sans Domicile Fixe, morts de ne pas avoir eu de toit.

Cette plaque est un acte politique fort des pouvoirs publics en l’occurrence de la mairie et de son édile Alain Juppé. Elle marque l’irruption au sein de notre communauté nationale d’une partie de la population généralement laissée pour compte, celle des SDF. Alors qu’ils n’ont ni pouvoir décisionnaire, ni pouvoir coercitif, les « mort de la rues » tutoient désormais les héros de guerre, les artistes célèbres et les victimes de génocides. Cette présence au sein de l’espace public pourrait être considérée comme un tournant majeur pour ces « sans voix ».

Mais regardons cette plaque de plus prés. Dans une sobriété confondante, c’est une histoire sans nom et sans visage qu’elle ose à peine nous dévoiler. Pourtant, histoire il y a.

Le 15 décembre 2009 au cours d’une nuit glaciale, décède place Saint Christoly un SDF de 35 ans,  Frédéric Chanal. Un décès qui mobilise ses proches ainsi que la Mairie de Bordeaux. Un premier hommage lui est rendu le 22 décembre, puis un second le 29 mars 2010 par la pose de cette plaque. Une centaine de personnes participent à la cérémonie.

Il est frappant d’observer la grammaire de cette plaque: Absence du nom de la victime, absence de date et de lieu, absence de chiffre.

Comme si, conscient des conséquences politiques que l’arrivée des « invisibles » dans le panthéon bordelais pouvait provoquée, le pouvoir garde une main ferme sur la place accordée aux nouveaux entrant dans la mémoire collective.

D’après le CMDR (collectif morts de la rue), 587 personnes vivant à la rue ou en structure d’hébergement provisoire sont mortes en 2020, dont au moins une sur quatre de mort violente (agression, suicide, noyade, accident). En 2022 Lors de la Nuit de la solidarité, 561 sans-abri ont été recensés dans la ville de Bordeaux.

 

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