Les députés girondins, nos illustres inconnus

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Monument aux Girondins, Place des Quinconces

Où sont donc passés les députés Girondins ?

Lorsque s’achève en 1902, le Monument à la mémoire des députés girondins sur la place des Quinconces, il ne manque qu’une seule chose : les statues des Girondins eux-mêmes.

Dans le projet initial du sculpteur bordelais Dumilatre, le Monument devaient comporter deux groupes de quatre statues représentant les députés.

Quatre orientées vers le Grand-Théâtre, les autres vers le jardin public. En raison d’un désaccord financier entre la mairie et l’artiste, les statues ne verront jamais le jour. Leur socle les attend encore de chaque côté de la colonne.

Lorsqu’en 1989, la France célèbre en grande pompe le bicentenaire de la révolution, la Mairie de Bordeaux et le Club de la presse prennent l’initiative de réunir les descendants des députés révolutionnaires.

 

 

De cette rencontre germe l’idée d’un hommage municipal : le 8 avril 1991 une plaque est inaugurée sur le monument.

Elles comportent les noms de huit députés : François Bergoeing, Henri Boyer-Fonfrède, Jean-François Ducos, Armand Gensonné, Marguerite-Elie Guadet, Jacques Lacaze, Jean-Antoine Lafargue de Grangeneuve et Pierre Victurnien Vergniaud.

Ces noms différent quelque peu du projet initial des statues :

Ceux de François Bergoeing, Jean-François Ducos, et Jacques Lacaze, ont été substitués à ceux de Charles Barbaroux (député des Bouches-du-Rhône), François Buzot (député de l’Eure), et Jérôme Pétion (député d’Eure-et-Loir).

Ce changement s’explique sans doute par la volonté de conserver uniquement les députés élus dans le département de la Gironde.

 

Bizarrerie et erreur

La plaque n’est pas exsangue de tout reproche.
Prenons le cas du député François Bergoeing. Si ce chirurgien a bien été pourchassé à la révolution, il parvient à échapper à la guillotine en se cachant dans son fief de Saint-Macaire. A la chute de Robespierre, il rentre à Paris et reprend des fonctions politiques. Il finira sa vie à Bordeaux à l’âge de 79 ans.

Le cas de Henri Boyer-Fonfrède est encore plus problématique.
L’homme est né en 1788, il avait donc un an lorsque la révolution éclata (!) Un peu jeune pour mener les débats à l’Assemblée !  Disons-le de suite, il s’agit ici ni plus ni moins que d’une erreur qui n’avait jamais été relevée jusque-là.
L’homme est en réalité le fils du révolutionnaire Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède qui, lui, fut bien guillotiné à Paris en 1793.
Henri exerça le métier de journaliste et fonda deux journaux, l’Indicateur de Bordeaux et le Courrier de Bordeaux.

Il est très difficile aujourd’hui de déchiffrer les noms sur cette plaque qui mériterait bien une seconde jeunesse.

 

 

 

Les Girondins sont-ils tabou ?

Rares sont les Bordelais, particulièrement les nouveaux arrivants, qui ont entendu parler des révolutionnaires Girondins.
Et pour cause leur histoire ne « colle » pas au récit national.

Les Girondins étaient des députés qui formaient un groupe – et non un parti – politique s’opposant aux Montagnards de Robespierre, Danton et Marat.

Combien étaient-ils sur les 749 députés de la Convention ?
Difficile à dire, mais ils étaient « loin d’avoir la majorité » selon l’historienne Hélène Tierchant.

Leur nom, popularisé par Lamartine dans son « Histoire des Girondins » vient de leur terre d’élection. La plupart furent en effet élus dans le département de la Gironde. Certains y étaient même nés.

Favorables à la guerre face aux puissances européennes, rejetant l’exécution de Louis XVI, profondément républicains et libéraux, fondateurs de la Société des amis des noirs, proches d’Olympe de Gouges et Charlotte Corday, ils sont favorables aux droits de vote des femmes et à l’usage du référendum.

Au cours de l’année 1793, ils sont accusés par les Montagnards d’être des modérés, des fédéralistes, de conspirer contre l’unité et la sureté de l’Etat, en un mot de ne pas être suffisamment révolutionnaires.

« Fini les demi mesures il faut employer les grands moyens (…) il y a 300 têtes de trop à l’Assemblée » exhorte Jean Paul Marat dans son journal l’Ami du Peuple…

Au cours des journées insurrectionnelles du 31 mai au 2 juin 1793, les sans-culottes en arme forcent l’exclusion de l’Assemblée de 29 députés et 2 ministres Girondins, élus du peuple rappelons-le.

 

Crédit : Les Girondins d’après Paul Delaroche, 1856 gravure couleur de E.Girardet, 1859. Collection Musée Goupil, Bordeaux © Mairie de Bordeaux, photo Lysiane Gauthier

Placés à la prison de la Conciergerie, ils s’offusquent d’être enfermés dans une cellule à côté de celle de la ci-devant Reine de France, Marie Antoinette, sur le point d’être guillotinée.

Le 31 octobre 1793, après cinq jours d’un procès bâclé mené par l’accusateur public Antoine Fouquier-Tinville, vingt-et-un Girondins sont conduits à l’échafaud.
Le journaliste Camille Desmoulins dit : « On ne meurt pas comme sans être républicain, malheureusement ils ne l’étaient pas comme nous ».

Certains députés ont fui et tentent de se cacher. C’est le cas d’Elie Guadet qui se réfugie plusieurs semaines à Saint-Émilion dans la cave souterraine de sa maison familiale. Il est finalement arrêté.
Avant d’être guillotiné sur l’actuelle place Gambetta de Bordeaux, la légende rapporte sa dernière phrase : « Je me nomme Guadet. Bourreau faîte votre office et allez ma tête à la main demandez votre salaire aux tyrans de ma patrie ».

Par la suite les Girondins deviendront pour tous les hommes politiques et historiens à venir un contre-modèle à bannir.
Adolphe Thiers, Lamartine, Michelet et même Jean Jaurès ont vu en leur élimination une inévitable mesure de salut public.
Rappeler le destin et les idées des Girondins revient à questionner notre conception de la nation.
On peut en effet se demander sur ce qu’il serait advenu si les Girondins avaient gagné leur combat face aux Montagnards.
Peut-être aurait-on aujourd’hui un pays où la liberté primerait sur l’égalité. Une autre vision de la République.

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