Bordeaux et ses plaques commémoratives

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De plaques en plaques…Cette autre histoire de Bordeaux

 

Mai 2021, la petite commune de Ruch en Gironde se retrouve malgré elle au cœur d’une vaste
polémique. En cause : une plaque commémorative.
Lorsque Bernard Karrash, franco allemand de 64 ans, passe par la petite commune de 599 habitants, en lisant la plaque commémorative apposée sur le mur de la mairie « A la mémoire de Turrier Théo – Instituteur – assassiné par les Boches le 1er mars 1944 à l’âge de 25 ans », il tourne de l’oeil.
Piqué au vif par la formulation, il saisit derechef l’Ambassade d’Allemagne bien décidé à faire éliminer l’affreux sobriquet dévolu à ses ancêtres.

 

Ruch en Gironde

L’histoire pourrait prêter à sourire, elle témoigne pourtant de l’enjeu fondamental que représente les plaques commémoratives dans nos sociétés.

Généralement accolées aux murs, parfois sur le sol, les plaques commémoratives de Bordeaux rappellent par quelques mots le souvenir d’une ou de plusieurs personnes, ou d’un évènement le plus souvent en lien avec l’endroit où se situe la plaque commémorative.
En bronze, en marbre, métallisées, grandes ou petites, carrées ou rectangulaires, leur formes et leur tailles varient, témoignant d’une grande hétérogénéité.

 

A Bordeaux, il y a plus de 150 plaques commémoratives apposés dans les rues de la ville.
Disons-le de suite, la municipalité n’a pas le monopole de leur pose. Si son aval est nécessaire pour les bâtiments publics, rien n’empêche une association, une entreprise ou un simple citoyen d’apposer une plaque sur un immeuble privé dans la mesure où le propriétaire des lieux donne son accord.

Les plaques commémoratives apposées par la mairie sont souvent identifiables par la présence des armoiries de la ville, les trois croissants de lune entrelacés. Les plaques commémoratives déposées par des privés n’ont aucune obligation particulière concernant leur physionomie et leur contenu.

 

Depuis l’apparition de l’écriture, l’Homme a toujours cherché à imposer sa marque sur l’espace public.
Dés l’antiquité, les ex-votos, ces offrandes faites aux Dieux en demande d’une grâce ou en
remerciement d’une faveur, sont les ancêtres de nos plaques commémoratives actuelles.

La Rome antique a généralisé l’usage des dédicaces. Elles ont fleuri sur les frontons, les fontaines, les bâtiments publiques.

A Bordeaux, l’une des plaques commémoratives les plus anciennes de la ville est conservée au
Musée d’Aquitaine. Il s’agit d’une dédicace datant du Ier siècle après Jésus Christ. On y apprend qu’un certain Caius Iulius Secondus, un notable bordelais, a légué par testament la somme de deux millions de sesterces à la ville de Burdigala pour la doter d’un aqueduc. La plaque fut reproduite en quatre exemplaires déposées sur différentes fontaines publiques de la ville.

Ce genre d’inscription répond aux goûts des élites romaines pour les éloges publiques en y vantant leur carrière et leurs réalisations, immortalisant ainsi le souvenir de leur générosité calculée. Car ne nous y trompons pas, l’objectif de cette dédicace n’est pas uniquement de rappeler un acte altruiste utile pour le bien commun. Pour les élites de l’antique Burdigala, il s’agit d’imprimer dans les esprits de chaque citoyens et voyageurs que ce sont les notables qui « font » la ville en la construisant et par conséquent il leur revient de plein droit celui de la gouverner.

 

Ainsi l’état régalien a toujours vu d’un mauvais œil l’apposition de plaque commémorative par tout autre que lui.
Le 10 juillet 1816, une ordonnance royale vient clarifier les choses : « Aucun hommage ne pourra être voté comme témoignage de la reconnaissance publique par les conseils généraux, conseils municipaux, gardes nationales ou tout autre corps civil ou militaire sans notre autorisation préalable. » Il en sera ainsi jusqu’en 1958.

 

Décret de 1968 qui remplace celui de 1958

 

Dans notre histoire contemporaine, ce sont les guerres qui ont générées les premières inscriptions commémoratives. La guerre franco prussienne de 1870 laisse à la France ses premiers monuments où fleurissent les premiers noms de soldats tués à l’ennemi. S’il s’agit de rendre hommage aux soldats tombés, ces monuments servent tout autant au recueillement des familles. L’enterrement des soldats dans des fosses communes sur le champs de bataille rendait en effet difficile voir impossible le deuil des familles.

 

Avec la fin de la Première guerre mondiale chaque commune de France aura son monument aux morts et avec la Seconde guerre mondiale fleuriront bientôt les plaques commémorants les faits de résistances. Les murs de Paris sont couverts d’environ 1300 plaques commémoratives pour la seule période de 1939-1944.
Ces hommages s’étendront vite à la société civile, à ses figures nationales et locales.

 

Hier comme aujourd’hui les plaques commémoratives ont donc une fonction précise dans l’espace publique que le pouvoir ne saurait déléguer. Loin d’être de simples décors urbains, les plaques commémoratives sont des marqueurs historiques et politiques.

Sous la forme de quelques mots parfois négligemment déposés, c’est un discours politique qui est présenté. La plaque commémorative, en s’appropriant une part de l’espace public, impose aux citoyens de se rassembler dans un souvenir œcuménique. Joie ou peine, la plaque commémorative nous étreint dans sa mémoire collective, nous donnant un sentiment d’appartenance à une histoire commune.

 

Quelle histoire unificatrice et rassembleuse nous racontent les plaques commémoratives de Bordeaux ? De quoi a-t-on fait le choix de se souvenir ? Et par conséquent qu’à t-on choisi d’oublier ? Découverte.

 

Quelques exemples de plaques

Plaque : les Girondins

Plaque : Mort de la Rue

Plaque : Colbert (fausse plaque)

Plaque : Lyautey

Plaque : Féminicide

Plaque : la caserne Boudet

Plaque : Louis Boria

Plaque : Dorian Bambara

Plaque : BEC

Plaque : Guiseppe Garibaldi 

Plaque : José Bonifacio de Andrada e Silva

Plaque : Espagnols républicains

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